Oeuvrer à l’émergence #1

Nous vous proposons de détailler un peu plus la première étape de changement qu’introduit un accompagnement dialogique :

l’émergence

Peut-être avez-vous déjà fait l’expérience de proposer à un groupe ou une équipe de développer des plans d'actions dont le premier réflexe est de dire que ce qui est demandé est impossible ? C’est un grand classique dans tout séminaire d’équipe de proposer ce type d’exercice qui vise à introduire la notion de coopération dans le changement.

Prenons l’exemple d’un jeu de coopération très connu qui consiste à demander à chaque membre du groupe de choisir, sans parler, deux personnes au sein du même groupe. L’animateur vérifie que les choix ont été faits et donne alors la consigne suivante : toujours sans parler, placez-vous à équidistance des deux personnes que vous avez choisies. Et là le jeu consiste à observer la mise en mouvement collective qui va réussir l’impossible à savoir concilier deux objectifs concomitants : individuel et collectif, permettant au groupe d’arrêter de bouger en établissant un nouvel état stable dans lequel chacun se trouve à équidistance des deux personnes choisies par chacun, en seulement quelques minutes.

Lors d’un séminaire au cours duquel ce jeu avait été proposé, une personne, ingénieur de métier, montrait au moment du débriefing que cet exercice serait mathématiquement impossible à réaliser en un temps très court car les combinaisons étaient trop importantes pour atteindre l’objectif, alors autant ne pas bouger. Pour elle, il s’agissait d’un “piège” tendu par le consultant or, en se prêtant au jeu, elle partagea son étonnement de voir que l’intelligence collective permis d’y parvenir par itération en un temps record.

Cette anecdote montre à quel point la complexité du vivant va de pair avec une capacité hors pair à s’organiser de lui-même. En effet, dans le monde naturel et vivant, ce qui semble aléatoire se transforme en modèle. L’organisation émerge. Partant de là, s’intéresser en premier lieu aux conditions d’émergence du système social plutôt qu’à rechercher un modèle d’analyse de son fonctionnement actuel et se détourner d’une forme prédictive de la façon de faire advenir une vision à partir d’un changement planifié. Autrement dit, l’émergence ouvre de nouvelles perspectives impossibles à prévoir a priori.

Si le principe d’auto-organisation est bien connu, nous savons également que l’intérêt individuel est souvent le premier levier d’ajustement ; ce qui ne garantit pas nécessairement la durabilité du système émergent car sa capacité à oeuvrer pour le bien commun n’est pas garantie.

Ce qu’apporte l’approche dialogique, c’est d’intégrer la préoccupation du bien commun à travers l’identification de ce qui pousse les personnes à vouloir servir le bien collectif et à ce qui peut-être fait pour amplifier cette volonté. A cet égard, la transposition d’un outil d’analyse comme le SWOT vers un un outil de mobilisation des forces comme le SOAR est très révélatrice de l’état d’esprit dialogique.

Cette capacité d’auto-organisation est entretenue par les perturbations que rencontre le système social. Ces perturbations peuvent s’imposer mais peuvent aussi être provoquées, et être considérées par les personnes comme subies ou choisies.

Là ou l’approche dialogique fait travailler l’organisation, c’est dans la création de nouvelles significations pour répondre aux perturbations qu’elle rencontre.

Ce travail se fait au sein d’espaces conversationnel ou de dialogue calibrés pour un tel exercice. Ces espaces visent à développer ce que nous appelons chez bymaïa des architectures de choix. Tout le secret réside dans la délicatesse, la sensibilité des accompagnants à faire accoucher les esprits de ces nouvelles significations. En effet, pousser trop fortement un dispositif d’intelligence collective pourrait provoquer les effets contraires à ceux recherchés. Nous y avons été parfois confrontés lorsque nous pensions faire mouche avec une démarche appréciative par exemple.

Nous avons donc maintenant systématiquement une attention particulière pour la notion de réceptivité des idées que nous proposons avant d’engager des conversations de mise en lien et en action. La visée de ces travaux préparatoires est d’établir un niveau de confiance et une qualité de relation suffisamment solide pour construire l’étage supérieur de l’édifice collectif, qu’il s’agisse d’un séminaire, d’un projet, d’une formation ou d’un programme de transformation. Ce qui sera acquis à cette étape permettra de soutenir l’effort de transformation et probablement d’atterrir au meilleur endroit possible après l’expérience de changement ou de bifurcation.

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