Déplier la narrativité #2

Nous abordions récemment les processus à l’oeuvre dans une approche dialogique du changement (d’après les travaux de Bushe & Marshak). Après l’émergence (art. du blog bymaïa du 14 mai), voici le principe de :

narrativité

qui introduit une modification d’une ou de plusieurs lignes d’histoires essentielles qui influencent l’élaboration d’un sens commun.

L’état d’esprit dialogique est fondé sur le fait que chaque jour, dans chaque conversation, la construction de la réalité est à l’oeuvre, se créée, se maintient ou se modifie. Ainsi l’une des manières les plus surprenantes de “créer” le changement passe par l’introduction de nouveaux mots, d’un nouveau vocabulaire, de nouveaux actes de langage dans un contexte relationnel revisité.

Cette reconfiguration de la matrice du langage entraîne l’apparition et la perception d’une nouvelle version de la réalité.

Nous retrouvons là l’idée que nos récits façonnent le monde. Les récits constituent l’un des phénomènes discursifs les plus importants pour comprendre les effets de la stabilité ou du changement dans la manière dont les membres d’une organisation donnent un sens à leur vie.

Les récits ordinaires recouvrent les histoires que les gens considèrent comme vraies, incarnées dans les conversations quotidiennes, les documents, les images et représentations symboliques afférentes. Les récits ordinaires traversent les organisations sous la forme de discours dominants.

Ces discours dominants contribuent à expliquer et à rendre cohérent nos vies professionnelles et personnelles et les actions que nous menons jour après jour. Ils créent donc et transmettent des versions socialement construites de la réalité qui délimitent ce qui est important, comment les choses sont liées, ce qui est possible et comment il convient de se comporter dans le cadre organisationnel, et relationnel.

Ces récits ordinaires sont plus que les anecdotes de réunions ou que celles échangées autour de la machine à café. Ils s’apparentent davantage à un scénario qui engloberait une grande variété à la fois d’interactions et d’événements spécifiques.

Par exemple, le “récit du management par objectifs” a informé et façonné la pensée des praticiens du conseil (ou partisans du diagnostic organisationnel) et a été utilisé pour confronter les cadres, managers et dirigeants en prise (ou sous emprise) avec l’influence des récits d’efficacité, de rentabilité, de performance, de productivité associés à des images mécanistes de “comment doit être” une organisation et “comment agir” en son sein.

En effet le comportement individuel est également influencé par l’histoire que nous avons de nous-mêmes, nos récits intériorisés qui “disent” à une personne qui elle est, ce qu’elle peut et doit faire, et ce qui est possible dans toutes les situations.

Par exemple, les dirigeants informés par leurs expériences de vie, leurs collègues, leurs patrons, les livres de management, etc. qui leur disent que les dirigeants qui réussissent doivent être “en charge”, décisifs et même craints - ce que l’on appelle parfois le récit de l’homme providentiel ou du pilote dans l’avion - peuvent se dire que les compétences de “leadership au service des autres” sont des signes de faiblesse et éviter d’adopter ces comportements, même lorsque c’est nécessaire.

Ainsi, les récits, qu’il s’agisse de dirigeants et de leur cheval blanc, de la nécessité d’une efficacité et d’une productivité ou de la prescription de remèdes pour assurer la croissance et la bonne santé d’une organisation, créent le contexte dans lequel les choses sont envisagées et, par conséquent, permettent ou limitent la réflexion et l’action.

L’importance des récits pour la mise en oeuvre du changement organisationnel est considérable, car ils définissent les lignes directrices des raisonnements qui soutiennent le statu quo ou qui indiquent la voie vers de nouvelles potentialités.

L’état d’esprit dialogique part du principe que le changement transformationnel n’est pas possible sans l’émergence de nouveaux récits, acceptés par la société ou tout au moins le collectif, qui expliquent et soutiennent la nouvelle réalité et les nouvelles possibilités.

Dans une organisation où les dirigeants ne s’occupent que d’eux mêmes, les gens auront besoin de voir leurs dirigeants s’investir pour les autres avant de s’engager dans de véritables conversations sur le changement. Dans une organisation dont l’histoire repose sur des factions rivales, il est nécessaire de trouver quelque chose pour lequel les différents groupes voudront coopérer afin de créer un nouveau récit de collaboration. Diverses méthodes peuvent être utilisées comme une intervention consciente sur les processus de narration et d’élaboration de l’histoire d’une organisation.

Nous proposons régulièrement aux équipes que nous accompagnons de passer par une métaphore narrative. La frise narrative en est une très simple qui permet de générer des dialogues passionnants autour de thématiques complexes comme l’intergénérationnel ou l’engagement par exemple. En intégrant l’architexte collectif des récits de vie individuels, cette métaphore fait apparaître ce qui relie les personnes et donnent du sens à leurs choix de vie ou à leur façon de se raconter aux autres.

Nous proposons également de passer par l’expérimentation et avons choisi une sélection de serious game qui nous paraissent particulièrement efficaces pour assembler expériences apprenantes, renégociation des relations, émergences de nouveaux processus discursifs. Cette nouvelle recette fait du recours au serious game un puissant levier de développement de nouvelles architectures de choix et de possibilités d’action pour les personnes aussi bien à titre individuel que collectif.

Le point commun à ces espaces de dialogues ? La générativité.

Nous vous donnons rendez-vous très prochainement pour vous présenter ce troisième processus de changement au coeur de l’approche dialogique.

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Oeuvrer à l’émergence #1