L’approche dialogique du changement - points de repères

Etat d’esprit et posture d’accompagnement

Les idées et pratiques que nous développons dans le cadre des articles du blog s’inscrivent dans le champ du Dialogic Organization Development qui ouvre un nouveau courant de pensée sur la question de l’accompagnement des changements dans les organisations humaines.

La première idée à retenir est que cette approche est un « état d’esprit » qui ne fait pas table rase des pratiques antérieures mais pose davantage la question de la pratique et de la finalité de ces pratiques en partant d’un autre point de départ. Il s’agit de changer de cadre de référence pour créer de nouveaux espaces de co-création au sein des organisations …

Autrement dit … de mettre à distance le réflexe du diagnostic qui consiste à chercher à régler le problème à l’endroit du problème au profit du regard dialogique qui consiste à mettre en relation des horizons différents pour faire émerger de nouvelles ressources à des endroits multiples éloignés du problème.

L’avantage est de diminuer le changement de type 1 « faire toujours plus de la même chose » pour proposer des changements de type 2 que l’organisation peut engager de manière autonome.

Pour cela il convient de s’accorder sur quelques paramètres importants, notamment en ce qui concerne la notion d’organisation humaine, à la fois complexe et singulière.

 

Une alternative au diagnostic

  • L’approche diagnostique considère les organisations comme des systèmes vivants qui s’abordent de façon rationnelle : la réalité est un fait objectif, il existe une seule réalité, la vérité est transcendante et à portée de découverte à l’aide de processus rationnels et analytiques. Le changement est très souvent considéré d’un point de vue téléologique (vers quel but changer ?) et s’appuie donc sur la collecte et l’application de données valables à l’aide de méthodes objectives de résolution de problèmes. Le changement peut alors être créé, planifié et géré. Encapsulé dans une méthode, il devient épisodique, linéaire et orienté vers un objectif. 

  • L’approche dialogique considère les organisations comme des réseaux de création de sens. Au sein de ces réseaux, la réalité est socialement construite et les réalités sont multiples. La notion de vérité est immanente et émerge de la situation. Cette même réalité apparaît ainsi au fil d’un processus de négociation et met potentiellement en jeu des processus politiques et de pouvoir. Dans cette acception des organisations, le changement est perçu comme dialectique ou conversationnel et passe par la création d’espaces et de processus conversationnels qui permettent de produire des idées génératives. Cette générativité conduit au changement. Le changement peut alors être encouragé mais il est en grande partie le fruit d’un processus auto-organisé et émergent. Ce processus de changement répond aussi à des principes de continuité et de cycles qui peuvent s’alterner ou se combiner. Dans ce contexte, l’accent est davantage mis sur l’évolution des mentalités et sur ce que les gens pensent.

 

Poser un regard dialogique sur les organisations c’est accepter les idées et principes suivants :

  1. Les organisations sont des réseaux sociaux de création de sens – la relation prime sur le processus

  2. La langue, la manière dont le sens est créé et les récits qui guident l’expérience des personnes est au cœur du changement organisationnels – nos récits façonnent le monde.

    Les mots construisent l’avenir de manière singulière, remplacer un mot par un autre modifie les matériaux de construction du projet collectif et la mise en récit de ses matériaux modifie la version proposée de cet édifice collectif. Ce qui compte c’est la perception que les autres ont du projet et non de la vision de l’artiste (les bonnes raisons de changer). Rendre les personnes co-auteurs de la vision de l’édifice collectif est donc un chemin de mise en lien à la fois sur le plan des relations et de la finalité. Les processus de mise en récit soutiennent alors l’émergence de nouvelles significations pour répondre aux situations nouvelles rencontrées

  3. Les organisations changent continuellement, de manière voulue ou non, et les changements multiples se produisent à des rythmes différents. Cela déconstruit considérablement le mythe de la planification du changement.

  4. Les groupes et les organisations sont intrinsèquement auto-organisés ; la perturbation est nécessaire pour l’adaptation et le changement transformationnels. Autrement dit l’approche dialogique permet d’intégrer deux notions délicates l’incertitude et la complexité en cherchant à travailler avec les processus d’auto-organisation plutôt que contre eux

  5. Accroître la diversité et mettre l’accent sur les différences entre les personnes engagées dans la création du changement avant de rechercher la cohérence et les solutions. En d’autres termes, les clés de l’engagement des personnes sont plus près de la relation (regard appréciatif) et de l’implication très en amont (imaginer et co-construire) plutôt que dans la résolution de problèmes

  6. Les consultants font partie du processus, ils n’en sont pas séparés. Notre posture d’accompagnant a un effet réfléchissant sur les personnes accompagnées et réciproquement. Le principe d’énaction (Varela) est alors davantage contributeur au changement que le principe d’expertise dans les conversations à mener et les actions qui en découlent. « Les consultants doivent être conscients de leur propre immersion dans l’organisation et réfléchir aux significations qu’ils créent ainsi qu’aux récits que leurs actions privilégient et marginalisent »

  7. L’accompagnement relève d’une démarche coopérative dont le but est de faciliter de nouveaux modèles de signification. Les consultants et accompagnants font ainsi équipe avec l’ensemble des parties prenantes.

 

A partir de là, nous pouvons envisager l’accompagnement des organisations dans leurs processus de changement. A l’image d’une danse relationnelle à trois temps :

1ère étape : émergence. Il s’agit d’introduire, stimuler, engager une perturbation dans la construction sociale de la réalité d’une manière qui conduit à une réorganisation plus complexe

2ème étape : narratif. Une modification d’une ou de plusieurs lignes d’histoires essentielles qui influencent l’élaboration d’un sens commun a lieu. Autrement dit de nouvelles expériences vécues viennent développer d’autres possibilités de significations partagées sur les capacités disponibles de l’organisation à œuvrer vers le changement

3ème étape : générativité. Une image générative est introduite ou fait surface et offre des alternatives nouvelles et convaincantes pour penser et agir. Par génératif, il faut entendre la notion d’éclosion, de naissance. Il s’agit d’un processus qui fait accoucher les esprits de nouvelles métaphores porteuses de sens et agissante auprès des personnes et des équipes.

Nous entrerons un peu plus dans les détails dans nos prochains articles

Précédent
Précédent

Oeuvrer à l’émergence #1

Suivant
Suivant

Innover et engager avec la méthode SOAR